De l’attachement et l’agitation à la liberté intérieure

Reconnaître les visages de l’attachement

On parle de l’attachement en général, mais dès lors que l’on observe plus précisément ce qu’il en est dans notre expérience personnelle, les choses apparaissent de manières plus intime et complexe.

Dans le cadre d’une approche méditative inspirée du bouddhisme, l’attachement ressemble à un processus de gel, une forme de crispation ou de tension qui oriente notre être vers des sensations, des émotions ou des perceptions que l’on s’approprie. Ce mouvement d’appropriation est sans doute ce qui définit le mieux l’attachement.

On parle de détachement, ou de lâcher-prise, vis-à-vis de ce mouvement de l’esprit qui s’approprie. Pour certains d’entre nous, l’attachement peut être vécu comme une souffrance explicite, comme le fait d’être attaché à une personne qui nous fait du mal. Cela peut aussi être une addiction, ou un souvenir du passé qui se rappelle sans cesse.

Les choses sont aussi plus subtiles, plus silencieuses. On est lié par des sensations, des comportements ou des modes de vie qui nous empêchent de voir ailleurs, de percevoir des potentiels émerger.

Il y a enfin une forme d’attachement très subtil, qui ressort parfois dans les moments d’insécurité et redevient silencieux lorsque l’on éprouve un sentiment de confort existentiel. Il s’agit de l’attachement au sentiment d’exister, que l’on l’appelle parfois égo. La source et la finalité de l’attachement sont de procurer sécurité et stabilité à l’idée de soi. Toutes les tentatives mises en place, qu’elles soient conscientes (avoir du pouvoir, des biens, être reconnu) ou inconscientes (ruminations, peurs, la possessivité, etc.) sont liées à l’attachement existentiel. L’attachement existentiel n’est pas intelligent, sa volonté est simplement d’être. Voilà pourquoi on se retrouve parfois à faire des choses que l’on voudrait ne pas faire, simplement sous la force de ce besoin profond d’exister.

Le détachement apparait parfois comme la réponse à toutes les forme d’attachement. On pourrait croire en effet qu’il est possible de se simplifier la vie en renonçant aux vanités de ce monde. Ce type de détachement n’est toutefois pas ici l’objet de notre pratique.

Nous partons du principe que les participants à ce programme sont engagés dans la vie, ont des responsabilités, etc. Se simplifier la vie est sans doute une action qui aura des effets sur la méditation, car l’esprit est moins préoccupé, et donc trouve le calme plus facilement. Quand je suis sorti de retraite et que j’ai commencé à travailler dans le monde par exemple, j’ai vu que ce dont je dépendais ne m’apportait pas forcément le bien-être, car cela agitait l’esprit. Plus je possédais – une voiture, une maison, des objets, plus mon bien-être dépendait de ces choses, et moins l’esprit était serein. Mais ce n’est pas abandonner toutes ces choses qui conduit au véritable détachement dont il est question dans ce programme.

Liberté intérieure

Quand on roule en vélo, nous sommes en équilibre et nous avançons, si nous étions à l’arrêt nous tomberions. Cette image m’aide à appréhender un mode d’être où « les choses roulent ». Ce mode d’être ne s’arrête ni sur les pensées, ni sur les émotions, ni sur les perceptions, ni sur lui-même. Le moyeu d’une roue est parfois utilisé dans l’iconographie indienne pour décrire cet état.

cette liberté intérieure n’est pas fabriquée, ni cultivée à proprement parlé. On peut par contre créer les conditions de son émergence à travers la méditation. Si on a expérimenté un lâcher prise lors d’un scan corporel, une méditation sur le souffle. Si dans des exercices physique comme le yoga ou le gi gong on a l’impression d’une fluidité qui se met en place, ne serait-ce même que dans la marche, c’est cette liberté intérieure qui s’exprime un peu.

Elle est l’inverse de l’attachement: là où l’attachement fixe et limite, cette liberté intérieure est espace. Là où l’attachement intérieure délimite les concept, fixe le passé, cette liberté intérieure va au-delà de ces limitations. Les yogis d’autrefois utilisait l’image de la montagne dans le sens où elle est stable, l’océan, dans le sens où elle est constante, de l’espace dans le sens où elle est sans limite.

Ce qui est important de percevoir à travers n’importe quelle forme de méditation, c’est que cette liberté intérieure est partiellement accessible dès lors que l’attention est cultivée et revient d’avantage à l’instant présent.

Que l’on vise la pratique d’un détachement matériel car on sent sa vie trop occupé, que l’on souhaite se libérer des préoccupation mentales qui abonde ou des opinions et multiples images mentales qui abondent, nous n’avons pas forcément besoin de rejeter toute ces choses, de se détacher. Il sera plus simple d’abord de prendre conscience des visages de l’attachement, de son côté conditionnant et aliénant, et paiement, laisser cette liberté intérieure faire son chemin en nous. Ce lâcher prise est sans doute fonction de notre capacité à percevoir l’attachement comme aliénant.

Nous tenterons dans les différentes partie de ce programme de mettre en place des pratiques qui stimule à la fois le discernement pour percevoir plus clairement le caractère aliénant de l’attachement et stimuler cette liberté intérieure. Le détachement n’est pas un processus austère et aride, mais au contraire un processus d’abandon.

La perfection est atteinte, non pas lorsqu’il n’y a plus rien à ajouter, mais lorsqu’il n’y a plus rien à retirer.

Saint Exupery

séance 2 Le rapport entre détachement et liberté intérieure

Commencer à pratiquer la pleine conscience, c’est déjà pratiquer le détachement. Il nous faut nous détacher d’une pensée, d’une sensation, d’une émotion, pour ramener l’attention sur son support : le corps, le souffle, ou quoi que ce soit d’autre. Il s’agit de se détacher d’une perception pour ramener l’attention sur une autre, celle du souffle, etc. C’est la première étape de la liberté intérieure : nous ne sommes plus déterminés automatiquement par les pensées et les perceptions. Un observateur nous permet de discerner là où notre attention souhaite se poser.

Là où va l’attention, l’énergie suit

Là où va l’attention, l’énergie suit. C’est vrai dans la méditation comme ça l’est quand on fait du vélo entre les voiture : si notre attention se focalise sur le rétroviseur à éviter, le vélo va tout droit vers le rétro! Nous voyons donc que le lien entre liberté intérieure et discernement c’est celui de la méditation et de la post méditation. En apprenant dans la méditation à comprendre de manière intrinsèque comment fonctionne notre esprit et vers où cela entraine notre énergie, nous allons expérimenter plus de liberté. Cela ne veut pas dire que les pensées et les émotions ne s’élèvent pas, mais cette compréhension directe nous donne plus de liberté. Nous savons comment porter notre regard intérieur pour que l’énergie du mentale ne soit pas emprisonné. Ou qu’on ne s’écrase pas sur le camion qu’on veut éviter en vélo pour reprendre la métaphore.

Focaliser son attention

Dans une seconde étape on apprend à focaliser son attention pour rendre l’observateur plus stable. La stabilité et l’agilité de l’attention permet de mettre à l’avant-plan le souffle et les sensations, et les pensées à l’arrière-plan. Ou bien, nous pouvons placer les sons ou les pensées sur le devant de la scène et laisser le reste à l’arrière-plan. Cela en soi ne conduit pas à la liberté intérieure, au détachement, mais nous permettra de cultiver une attention ouverte qui avec l’entraînement conduit à un état de plus ou moins profonde égalité. 

L’égalité, c’est de percevoir avec précision toute les nuances de notre expérience en termes de son, de pensées, de sensations ou de perceptions sans chercher à s’investir dans l’une ou dans l’autre.

Par exemple, lorsque l’on médite sur les sons, on peut parfois entendre un son agréable ou un son désagréable, et repérer le mouvement physique ou mental subtil qui se dirige vers cette sensation. A ce moment, on demeure juste conscient de ce mouvement et reste dans ce mouvement. S’il continue, on le laisse continuer, s’il s’arrête, on le laisse s’arrêter et on reste quelques instants dans une attention ouverte. Un autre stimulis viendra bientôt stimuler notre attachement.

L’attachement guide nos décisions

L’attachement, d’une certaine manière, est ce qui permet de nous repérer dans le monde. Nous nous repérerons dans le monde en fonction de ce qui stimule notre attachement et nos envies, ou au contraire en fonction de ce qui stimule notre aversion et notre rejet. Un son agréable lie le mouvement du mental à cette perception. Ou bien, dit autrement, le mental est le ciment entre nos tendances et nos perceptions. C’est cet instant précis qui nous intéresse à ce stage du programme. 

Il est très rapide. Des pratiques comme le scan corporel, le qi gong, le yoga vont nous mettre dans un rapport au temps qui rend possible de percevoir ce processus d’attachement. Dans la journée ce sera la pratique de l’arrêt momentané, du retour au souffle ou au corps qui nous permettra de revenir à la perception de ce moment de stimulation sensorielle. Il est nécessaire de rester à l’affut, dans une attention ouverte et claire et juste de percevoir ce mouvement subtil qui s’attache aux pensées au sensation ou autre.

Avoir plus d’espace dans nos réactions commence par l’attachement au corps

Le changement de paradigme que l’on cherche à produire en méditant sur l’attachement se produit en deux temps. Dans la méditation, il s’agit d’être moins prisonnier de nos stimuli et conditionnements en étant attentif au moment où les stimuli nous lient à des perceptions, à des émotions ou à des sentiments. Dans l’action, cette sensibilité devrait nous conduire à plus de discernement. Nous agissons moins à partir de nos attachements, mais choisissons de nous attacher à des principes, des valeurs, ou bien nous laissons plus de place à notre intuition, à nos perceptions. Dans les deux cas, ce n’est plus (seulement) l’attachement qui détermine le sens de nos actions.

Pour arriver à cela, il est utile de s’entrainer à une certaine perception du corps au moyen d’une méditation décrite par le maître tibétain Shamar Rinpoché dans Lo djong, la voie vers l’éveil http://www.rabseleditions.fr/?product=lo-djong-la-voie-vers-l-eveil (Rabsel Editions, 2010, p. 57) et inspirée de méditations bouddhiques traditionnelles. Dans cette méditation, on cultive la perception que notre corps se décompose et se recompose. Pourquoi ? Parce que le corps, qu’on l’aime ou qu’on le déteste, est le siège le plus grossier et le plus subtil de l’attachement. C’est normal, c’est lui qui nous maintient en vie. Cette méditation a pour but de nous sensibiliser au caractère éphémère du corps, puis sur son caractère instantané : chaque instant, le corps change et les perceptions, elles aussi, changent. L’attachement se produit en ignorant la perception plus fine de ces informations qu’entraine le changement, une transformation constante du corps et des perceptions.

L’attachement aux pensées

La méditation du clair de lune dans le cœur vise à éprouver le caractère éphémère des pensées et des émotions qui se produisent et se détruisent instants après instants. Ce qui fait que l’on n’en a pas conscience, c’est l’attachement aux pensées, à notre histoire, à nos habitudes mentales. Cette méditation moins éprouvante pour certains d’entre nous que la première sur le corps, vise pourtant la même chose : l’attachement. L’un porte sur l’attachement à une idée d’un corps fixe, abstrait, « mon corps ». L’autre méditation vise l’attachement aux idées, aux pensées et aux réflexions.

Quand les sensations et les pensées vont dans toutes les directions

séance 3 De la liberté intérieure au discernement dans l’action

aspect théoriques et questions réponses

Identifier le processus de l’attachement dans le corps pour gagner en liberté

Les pratique du scan corporel, du yoga, ou tout autre méthode de mouvement en conscience ont pour but, dans les pratiques de pleine conscience, de nous rendre plus sensible aux premiers instants du stimulus agréables, désagréables, neutre. C’est dans ces courts instants de contact que l’attachement « cimente » nos perceptions, et nous force à nous comporter suivant des tendances habituelles ou des perceptions conditionnée. L’objet de cette séance et de trouver une sensibilité dans le corps suffisamment fine pour que l’on puisse avoir plus de liberté par rapport à nos habitudes et plus de choix dans nos actes et nos comportements.

identifier les attachements dans le corps

La pratique du STOP tout au long de la journée ne plusieurs étapes, nous permet de nous familiariser avec la capacité de suspendre l’attention. Cela nous permet de revenir à l’instant présent. Nous pouvons également observer ce qui ce passe en nous en identifiant le mouvement mental, ou les impulsion physique qui nous lie à un objet des sens: un bruit, une pensée une émotion. Le P de « proceed », nous permet d’ajuster nos actions et nos décisions avec plus de discernement par rapport à ce qui fait sens pour nous et nos besoins, ou ceux des autres.

Dans tous les cas, ce temps d’arrêt qu’on pose en ralentissant ou s’arrêtant sur le souffle facilite le lâcher prise. Observer, Tourner l’attention vers le corps et ce qui s’y passe, nous rend plus sensible à la manière dont l’attachement, l’identification aux sens, aux émotions et aux pensées fonctionnent en nous.

Tout cela est l’essence du discernement et nous donne plus de choix dans nos actions.

Méditation STOP classique

Séance 4 l’attachement aux perceptions

Les perceptions d’une situation, intérieure ou extérieure sont un aspect important du processus d’attachement. Les sciences décrivent que par des bais cognitifs divers nous procédons à une simplification, ou à une assimilation erronée de situations, nous en tirons des déductions hâtives et des décisions inappropriées. Daniel Kahneman dans son ouvrage « système 1 système 2 » décrit cela dans le domaine des neurosciences sociales. « Les décisions absurdes » de Christian Morel situe ces bais plus dans le champ social. L’attachement aux apparences est depuis des millénaires l’objet de pratiques méditatives plus ou moins poussées afin d’avoir une perception plus juste du réel et d’agir en conséquence. Ou bien, percevoir des opportunités, là où une attention focalisée sur nous-même nous ramènerait à des automatismes, au pilotage automatique.

Que ce soit sur un plan purement fonctionnel, ou dans une approche complétement spirituelle, les méthodes de l’attention peuvent nous aider à déjouer les pièges de l’attachement.

La pratique du STOP dans le dialogue

Le dialogue ici ne concerne pas seulement les échanges avec une personne., ce peut être avec une situation.

S comme suspendre :

comme nous l’avons vu, il s’agit de placer notre attention dans un état de  méta cognition, ou plus simplement, d’observateur. Ce pas de côté est l’étape fondatrice de ce qui suit.

Tourner l’attention vers l’autre :

de quelle attention parlons nous ici ? il s’agit d’une présence non jugeante, curieuse, avec ce regard du débutant. Pas juste une focalisation vide de présence.

Observer :

dans cette méthode on se serre du discernement pour enrayer l’attachement à nos idées et à nos croyances. Observer comporte une phase de question sur l’autre, et d’écoute. Le plus habituel dans le monde de la pleine conscience est de diviser de manière un peu arbitraire, ce que j’observe dans les faits, ce que je ressens, ce qui émerge (mes intuitions, mes ressentis plus subtils). L’intérêt dans cette investigation est de déportée l’attention sur la situation ou l’autre sans mettre de côté votre être mental, émotionnel et intuitif.

P comme Percevoir 

ce que je n’ai pas l’habitude de percevoir. Comme souvent dans le monde, le changement vient à la marge. En étant plus sensible aux ressentis physiques, à l’écoute des autres et des situations, on se familiarise avec des signaux faibles que l’attachement à nos idées et à nos a priori ne nous donnent pas accès. Percevoir ce qui cesse, ce qui apparait est aussi difficile à observer dans les relations qu’un paysan qui observe son champ. Si on doit pousser la métaphore, un paysan doit s’occuper de ce qui se passer sous terre, sur terre et dans le ciel (la météo). C’est à cette attention ouverte dans les relations que nous sommes conviés pour pouvoir décider avec plus de choix, plus de liberté. Percevoir ce que je n’ai pas l’habitude de percevoir c’est aussi un retour à ce qui compte vraiment pour nous dans cette situation et à ce moment-là. Cela nous permet d’agir en étant sans doute plus entier dans nos actes et donc plus fort car la décision par vraiment d’un encrage profond.

Parfois, il est coutume de dire qu’on ne change pas à moins d’être obligé. Ce processus du STOP nous invite à murir avec les situations en étant apprenant et curieux envers notre mode de perceptions. On ne peut s’attacher intelligemment à un mode de perception non valide d’une situation ou d’une personne !

Discernement et interdépendance

Ces pratiques sur le dialogue et l’écoute sont à mettre en lien avec l’interdépendance. L’attachement a tendance à biaiser cette interdépendance en nous imaginant comme séparé. Si bien qu’il est difficile, même si intellectuellement on le sait, de ressentir cette connection d’interdépendance avec les autres et notre milieu. La notion d’inter-être développée par Tich Nath Han tirée d’enseignements bouddhiques peut nous aider à avoir une approche directe de cette interdépendance et du biais que l’attachement aux apparences représente. Ce biais nous empêche de rentrer en contact avec la richesse d’une réalité multiple, vaste.

L’inter-être par Thich Nhat Hanh  

« Si vous êtes poète, vous verrez clairement un nuage flotter dans cette feuille de papier. Sans nuage, il n’y aurait pas de pluie ; sans pluie, les arbres ne pousseraient pas ; et sans arbre, nous ne pourrions pas faire de papier. Le nuage est essentiel pour que le papier soit ici devant nous. Sans le nuage, pas de feuille de papier. Ainsi, il est possible de dire que le nuage et la feuille de papier « inter-sont ». Le mot « inter-être » ne figure pas encore dans le dictionnaire, mais en combinant le préfixe « inter » et le verbe « être », nous obtenons un nouveau verbe, inter-être. Sans nuage, nous n’aurions pas de papier ; nous pouvons donc dire que le nuage et la feuille de papier inter-sont. 

« En regardant encore plus en profondeur dans cette feuille de papier, nous y voyons aussi le soleil. Sans soleil, la forêt ne pourrait pousser. En fait, rien ne pourrait pousser, nous ne pourrions-nous développer. Par conséquent, nous percevons aussi la présence du soleil dans cette feuille de papier. 

« Le papier et le soleil inter-sont. 

« En continuant d’observer, nous découvrons également le bûcheron qui a coupé l’arbre et l’a amené à la fabrique de papier. Et nous voyons aussi le blé : nous savons que cet homme n’aurait pu vivre sans son pain quotidien. C’est pourquoi le blé qui a servi à la confection du pain dont s’est nourri le bûcheron, est présent dans cette feuille de papier. Et le père et la mère du bûcheron y sont également. Si nous observons de cette manière, nous remarquons que, sans tous ces éléments, cette feuille de papier ne pourrait exister. 

« En examinant encore plus profondément, 

« nous y découvrons aussi notre présence. 

« Ce n’est pas difficile à voir : lorsque nous regardons cette feuille, celle-ci fait partie de notre perception. Votre esprit s’y trouve et le mien aussi. Par conséquent, nous pouvons dire que tout est présent dans cette feuille de papier. Il vous sera impossible de me montrer une seule chose qui n’y soit pas – le temps, l’espace, la terre, la pluie, les minéraux du sol, le soleil, le nuage, la rivière, la chaleur. . . Tout coexiste avec cette feuille de papier. Voilà pourquoi je pense que le mot « inter-être » devrait être dans le dictionnaire. 

« Etre, c’est inter-être ». 

« Vous ne pouvez pas « être » simplement par vous- même. 

« Vous devez forcément inter-être avec toutes les autres choses. 

« Cette feuille de papier est parce que tout le reste est. Supposez que nous essayions de retourner un seul de ces éléments à sa source. Supposez que nous renvoyions sa lumière au soleil. Pensez-vous que l’existence de cette feuille de papier soit alors possible ? Non, sans la lumière du soleil, rien ne peut exister. Si nous retournions la bûcheron à sa mère, nous n’aurions pas non plus de papier. Le fait est que cette feuille est uniquement constituée d’éléments « non-papier », et que, si nous retournions ces éléments « non-papier » à leurs sources respectives, il n’y aurait alors plus de papier du tout. Sans ces éléments « non-papier », tels que l’esprit, le bûcheron, la lumière du soleil, etc., il n’y a pas de papier. Aussi fine que soit cette feuille, elle contient en elle-même tout l’univers. » 

Le Coeur de la Compréhension, édition du Village des Pruniers, pp. 7-10  

Thich Nhat Hanh  

Perception directe de l’inter-être et engagement

Cette réalité s’applique à notre expérience intérieure, les émotions inter-sont avec la conscience qui les observe, les pensées qui les observe. Une émotion seule ne saurait être par elle-même sans une conscience qui les observe, et si la conscience était la colère, nous disparaitrions au moment ou la colère cesse ou diminue.

Cette observation de l’inter-être est aussi la base de l’engagement parce qu’elle offre un puissant discernement. Tich Nhat Hanh prend l’exemple d’une prostituée à Manalie. De mémoire : il n’y a pas de prostituée à Manalie et c’est pour cela qu’il y a une prostituée. S’il y avait une prostituée en tant que telle, il n’y aurait pas de client, de proxénète, de misère sociale etc. Tous ces aspects rendent possible « la prostituée », ne voir que la prostituée, c’est manquer de discernement. Ne s’attacher qu’à la prostituée sans voir qu’elle inter-est avec le proxénète, le client, la misère sociale, les émotions etc., c’est ne voir que l’apparence, ce à quoi conduit l’attachement.

Séance 5 L’attachement à il une origine?

La conscience a-t-elle une origine? C’est à cette question que tente de répondre le professeur Michel Bitbol dans cette remarquable émission.

Pourquoi devrait on s’interroger de la sorte dans le cadre de la méditation sur le détachement ? Parce que la conscience au final, est le seul moyen pour nous d’éprouver, de percevoir, de ressentir ou de penser un phénomène. Hors, l’attachement se loge dans l’expérience des sens, du mental, du ressenti. En conséquence, c’est dans la conscience au final que se situe l’attachement. Comme nous avons déjà une expérience de méditation nous savons que certaines parties sont consciente, d’autres inconscientes par le mental. Un des points fort de la méditation set de révéler progressivement la variété et la profondeur de nos expériences qui auparavant n’’étaient pas perçues ni ressenties.

Mais parler de la conscience est une chose, l’observer au moment où elle se manifeste est autre chose. On peut rendre compte de la conscience à travers les expériences que l’ont vie, mais observer la conscience s’avère délicat, improbable. A moins de procéder à une heuristique de l’attention : on observe la conscience en décrivant comment on se sent. Mais on a un temps de retard, car c’est la conscience qui nous renseigne sur comment on se ressent. 

L’attachement initial, racine, est d’être identifié à ce que la conscience perçoit et à ce qu’elle perçoit d’elle-même. Quand dans la méditation on s’entraine à observer directement la conscience, le processus nous échappe.

C’est la forteresse de tous les attachements, se percevoir comme sujet actif, définitif nous rend servile à tous les attachements. Reconnaitre, par la méditation, se familiariser avec la nature dynamique de la conscience, nous rend fondamentalement libre. 

Ce processus devrait s’accompagner de méditations sur la compassion et l’amour pour être complet. Il y a beaucoup d’étape en effet dans ce processus d’observations de la conscience. Jon Kabat Zinn à circonscrit le programme mbsr de telle manière de ne pas aborder cela, afin de ne pas perdre les participants. Je pense que c’était plutôt sage. Une fois expérimenter, et puisque le sujet de cette partie est l’attachement, il me semble important d’être complet. Dans ce but, je vous invite à poser votre attention dans une méditation sans choix et de remonter progressivement à la conscience qui perçoit, d’instant en instant, sans faire de la conscience un objet de connaissance, juste revenir à la source, moment après moment. Et quand c’est trop troublant, revenir au souffle et à une attention ouverte sur les objets.

Ne pas confondre observer la conscience et observer comment se sent l’observateur. C’est autre chose. N’hésitez pas à reporter vos expériences à un enseignant de méditation confirmé. Cette simple méthode libère de l’attachement, mais peut conduire aussi à une certaine confusion au début. Il est bien d’être accompagné.

Nous pouvons au moins nous servir de cette méthode quand le mental tourne en boucle, ou qu’il est fixé sur une expérience agréable ou désagréable. A ce moment, tourner un regard direct sur ce qui appréhende l’expérience peut s’avérer utile pour retrouver de l’espace. Du détachement. 

A plus long terme, cette méthode nous place dans quelque chose de plus vaste que le circuit fermé de nos émotions, sensations pensées. C’est la raison pour laquelle il est fortement suggéré d’intégrer cette pratique avec les méthodes de compassion.

Séance 6 Faire de l’attachement un allié ?

Nous avons commencé par comprendre différentes figures de l’attachement : aux biens aux idées, aux proches, à nos ancêtres. Puis nous avons pratiquer en stimulant cette distance, cet espace de l’observation de nos états, et nous avons baptisé cette distance : liberté intérieure. En effet nous partions du principe, que lorsque l’agitation cesse un tant soit peu, un espace surgit, sans qu’on le crée. Pratiquer à partir de cette ouverture, de cette liberté de s’identifier ou non aux sensations, aux pensées etc. Apaise l’attachement. Nous l’avons vu dans une approche que l’on pourrait qualifier d’énergétique ou symbolique, dans le sens ou différentes régions du corps sont, d’après les traditions méditatives différentes associées à différents types d’attachement. 

Puis nous sommes revenus à une approche plus dynamique de cette liberté intérieure en la ramenant au changement. L’attachement est un grand ennemi du changement. Pourtant les pensées et le corps sont toujours en mouvement.

Puis nous avons ensuite pratiqué avec le discernement, en tentand de poser notre attention aux premiers instants de sensations agréables ou désagréables, quand l’experience surgit et fait écho dans le corps. Le discernement nous aider à percevoir le premier instant ou va s’enchainer les émotions, les réactions automatiques, les tendances habituelles qui se solidifient autour de ces petits instants.

Le discernement était ensuite utilisé pour les dialogues qui sont le siège de nombreux attachements, et cela nous ouvrait à l’inter-être qui est la finalité et le moyen du discernement. En effet, que peut nous offrir de plus le discernement que de nous montrer le caractére pluriel de la réalité, de nos perceptions, quels types d’actes sont la causes de quels effets. 

Nous vons ensuite abordé la conscience, l’observateur, l’acteur, le témoin originel de toute expérience, là ou finalement se confine l’attachement.

Maintenant, il nous reste à aborder la phase finale. L’attachement est encerclé, visité, libéré dans l’espace. Pulvérisé par le discernement. Mais comment s’engager au quotidien, avec les autres ? La question du discernement nous avait déjà conduit à reconnaitre que certains attachements, « conscients » cette fois, nous permettaient de mieux nous situer dans la vie et nourrisaient le sens de actions et de nos décisions.

Ici, nous allons pratiquer avec les attachements dont on aimerait bien se défaire. Les attachements qui nous suivent comme une ombre, les choses non résolues, les casseroles, ce dont on ne sait pas se défaire. Les pratiques sur la conscience sont une base, mais les pratiques basées sur la compassion permettent de s’appuyer sur cette base pour aller à la rencontre de ces démons qui nous suivent.

On parle d’entrave: ce sont des croyances, des biais cognitifs qui nous font penser être quelqu’un de supérieur ou d’inférieur. Une personne pratique rarement la méditation parce qu’elle se trouve géniale au départ cela dit… 

Nous devenons de plus en plus fin dans la compréhension dont fonctionne l’attachement,mais nous pouvons parfois nous sentir démuni face à des croyance, des sentiments, des aspects de nous-mêmes qui nous entrave.

La pratique qui suit est une adaptation d’une méthode éprouvée aux douzième siècle au Tibet par Machikma. Tsultrim Allione a tenté de l’adapter pour des occidentaux hors du contexte bouddhiste. 

J’ai longtemps eu une méfiance pour cette méthode, en craignant qu’elle ne dévoit la pratique originale. C’est un fait, il ne s’agit plus d’une pratique destinée à aller dans la voix des bodhisattva, ces êtres qui se réalisent dans l’accomplissement du bien d’autrui. Pourtant, à notre époque, c’est une méthode adaptée pour réduire l’emprise de tendances, d’entraves.

« Nourrir ses démons utilise la sagesse ancienne pour resoudre des conflits intérieurs » comme le souligne l’auteur. Traditionnelement on distingue les « démons » : ce qui nous fait souffrir, ce qui nous blesse, et « les dieux »: ce qui nous flatte, nous donne un sentiment de contrôle, de pouvoir, d’éternité. Comme nous arrivons au terme de nos instructions sur l’attachement, nous savons que « les démons » et « les dieux » agissent à un certain degré comme une entrave. Quand nous en prenons conscience et que nous ne savons pas quoi faire face à cela, la méilleure des méthode est peut être d’en faire des alliers en utilisant une attention aimante et discernante.

Tsultrim Allione décline son approche en cinq étapes qui donne progressivement une chance à ces entraves de fonctionner en nous de manière plus équilibrante. J’ai adapté ici la pratique pour notre thématique.

Respirer en identifiant les lieux de tension dans le corps, les émotions ou le mental

Motivation : 

Faites s’élever une sincère motivation à pratiquer pour votre bien, ainsi que pour celui de tous les êtres vivants. 

Les Cinq Etapes : 

Etape 1 : Trouver l’entrave


Observer quelle entrave vous parait la plus évidente à présent. Ou choissez en une. Quelle région du corps raisonne le plue avec cette entrave, à quel endroit est elle ressenti. Pour vous aider, vous pouvez penser à une fois où vous avez éprouvé ce sentiment de manière particulièrement intense.
Soyez très attentif à toutes les sensations dans votre corps. 

Une fois localisé dans une ou plusieurs partie du corps est il possible d’associer couleur,, une texture ou une forme, une température.

Etape 2 : Personnifier l’entrave avec des membres un tronc une tête. Quand on s’est attardé à son aspect :

-sa couleur,
-la texture de sa peau,
-sa taille,
-son genre (s’il en a un),
-son caractère général,
-son état émotionnel,
-son regard,
-et enfin trouvez quelque chose que vous n’aviez pas encore remarqué. 

Demandez alors au démon :
« Que veux-tu ? »
« De quoi as-tu réellement besoin ? »
« Comment te sentiras-tu une fois que tu auras eu ce dont tu as besoin ? » 

Une fois que vous avez posé ces questions, l’attention se progète sur le démon comme si nous l’incarnions. 

Etape 3 : Devenir l’entrave
En progetant ainsi l’attention on rentre dans  « la peau » de l’entrave.
Regardez de quoi à l’air votre être du point de vue de l’entrave.
Soyez bien attentif, prenez conscience de ce que cela fait d’être dans le corps de l’entrave.
Ensuite répondez aux questions : 

« Ce que je veux c’est… »
« Ce dont j’ai réellement besoin c’est… »
« Lorsque j’aurais eu ce dont j’ai vraiment besoin, je me sentirais… » 

Etape 4 : Nourrir le démon et rencontrer l’allié
On projette l’attention de nouveau sur nous. Prenez un moment revenir tranquillement dans votre corps. Regardez l’entrave en face.
Puis dans un geste intérieur de compassion le corps physique se transforme en nectar, et que notre conscience active offre ce nectar à l’entrave.

Ce nectar a la capacité́ essentielle de combler tout ce dont a besoin l’entrave.
Jusqu’à ce qu’il soit nourri à satiété́. Continuer de le nourrir jusqu’à ce qu’il soit totalement repu.

Rencontrer l’allié :
L’entrave se transforme en allié. Si c’est le cas,  lui demander intéirieurement s’il est bien « l’Allié ».
Si ce n’est pas le cas, invitez un allié à se montrer. De même si l’entrave a complétement disparu en consommant le nectar invitez là aussi un allié à apparaître. 

Lorsque vous voyez l’allié, prêtrez attention à : sa couleur, sa taille, son genre et son regard. 

Lorsque vous vous sentez connecté à l’allié, posez-lui ces questions :

« Comment vas-tu m’aider ? »
« Comment vas-tu me protéger? »
« Quel serment, ou quelle promesse, me fais-tu ? » « Comment puis-je entrer en contact avec toi ? » 

Devenir l’allié en projetant une nouvelle fois l’attention. Prendre le temps de sentir ce que cela fait d’être dans la peau de l’allié. Lorsque vous vous sentez prêt, répondre aux questions : 

« Je t’aiderai en … »
« Je te protègerai en … »
« Je te prommet que je … »
« Tu peux entrer en contact avec moi en … » 

L’attention revient à soi, prendre un moment pour ressentir l’aide et la protection de l’allié. L’allié fond en nous et nous-même nous restons dans une ouverte.

Etape 5 : Rester en pleine conscience.
Maintenez l’état dans lequel vous étiez au moment de la dissolution en vacuité, quel qu’il soit. Laissez votre esprit se détendre, sans chercher à créer une expérience en particulier. Sans remplir l’espace, sans chercher à provoquer quoique ce soit, sans vous presser à finir la pratique.

Pour conclure : 

Sceller la pratique avec votre motivation originelle.

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