Dialoguer en conscience

Le dialogue en pilotage automatique conduit à plusieurs types de situations : 

–       on parle sans écouter tout en ayant l’impression d’écouter,

–       on amalgame le peu d’information dont on dispose pour élaborer une opinion,

–       on se base sur ce qu’on connait déjà pour formuler des conclusions,

–       On cherche des certitudes,

–       A cela s’ajoute le fait que l’attention peut être instable ou focalisée sur ce que l’on croit. 

On peut ainsi être expert en communication, savoir écouter l’autre puisque cela fait partie intégrante de son savoir-faire, et pourtant être dans une forme de distraction.

Les entraves au dialogue viennent souvent de notre propre dialogue intérieur, les a priori. Cela se confond avec le fait que l’on va de plus en plus vite dans notre vie avec un multitâche croissant. L’attention à l’autre s’en ressent.

Il existe des méthodes de communication consciente qui permettent de trouver des lieux et des temps pour poser le dialogue, mais qu’en est-il dans le quotidien ?

Les pratiques sur l’attention et la réceptivité développée par Otto Scharmer au MIT depuis une vingtaine d’année s’appuient sur des méthodes simples qui permettent de diminuer l’impact de nombreux biais dans le dialogue.

Ces méthodes sont d’autant plus profondes qu’elles se combinent avec la capacité de se poser en soi, comme on apprend à le faire dans les programmes de pleine conscience.

Ellen Langer, psychologue et chercheuse à l’université de Harvard a également consacré une bonne part de ses recherches à la manière dont l’attention fonctionnait en circuit fermé, ce qu’elle nomme « mindlessness », et sur la façon de cultiver en situation une attention ouverte, attentive au contexte et au moment présent, la mindfulness.

En s’appuyant sur les pratiques de l’attention, il est possible d’améliorer sa qualité de présence et de diminuer l’impact des biais qui s’élèvent dans le dialogue.

Concernant l’écoute, certaines méthodes de pleine conscience permettent de cultiver une posture d’écoute consciente. Nous ne suivrons cependant pas ces méthodes. En effet, mon expérience m’a montré que cultiver une posture s’avère au long cours décevant et mal adapté dans la pluralité des rencontres. Beaucoup de soignants décrivent avec quelle facilité ils sont dans l’écoute dans leur rôle de soignant mais à quel point il devient difficile d’être dans l’écoute dans sa vie personnelle ou dans les relations professionnelles. Une posture par définition est rigide alors que la vie est flexible. Cette voie de la posture juste dans la communication, pour autant qu’elle génère des qualités de stabilité et de présence, ne m’apparait pas vraiment pertinente.

Les méthodes de communication assertive ou la communication non-violente donnent des éléments essentiels pour le dialogue et l’écoute qui permettent d’être plus clair sur nos besoins et sur la façon de les partager. Il manque toutefois une approche du contexte. J’ai observé dans la pratique qu’il est souvent nécessaire d’avoir un accompagnement, d’un médiateur par exemple, pour que la mise en œuvre soit efficiente.

Je ne dénigre pas ces méthodes, mais ce que je cherche, c’est plus qu’une technique de communication. Je cherche une méthode qui permette d’appréhender ce dont je ne suis pas conscient dans le dialogue, l’information qui m’échappe, le point aveugle ; qui nourrisse ma pratique de pleine conscience ; et enfin qui échappe au mode expert.

Une méthode plutôt qu’un outil

Le mot méthode vient du latin methodus, emprunté au grec ancien μέθοδοςmethodos (« poursuite ou recherche d’une voie »), formé à partir de μετά, meta (« après, au-delà, qui suit, avec ») et de ὁδός, hodós (« chemin, voie »).

Il y a l’idée d’une progression pour aller au-delà, peut-être dans le dialogue au-delà de ce qu’on connait déjà. C’est dans ce sens que presencing offre un cadre, une méthode de dialogue pour aller au-delà de soi-même et de ce qu’on connait déjà.

La méthode de l’écoute

Il est d’abord important d’être agile dans l’écoute. Savoir repérer à travers les ressentis du corps et l’observation de l’esprit quand on est dans l’écoute et quand on est dans le jugement, l’évaluation, l’appropriation de l’information, l’interprétation. Non pour éliminer ces aspects de l’écoute, mais pour limiter leur impact sur l’écoute, la part disponible sensible en nous. 

En apprenant à approfondir l’écoute, simplement en identifiant quand on n’y est pas, s’élève alors une présence. Cette présence est plus sensible aux nouvelles informations, et ces nouvelles informations conduisent à plus d’empathie. Cette empathie ouvre davantage sur soi, l’autre et la situation. Comme si nos oreilles s’agrandissaient sur un plan large.

La méthode du dialogue

Il est alors possible de rentrer dans le dialogue, l’échange. La première phase nous met en contact avec les éléments superficiels, comme un premier contact avec la situation ou notre interlocuteur. Ce processus peut s’arrêter là, un consensus motivé par le désir de ne pas faire de vague, de se soumettre, de plaire, de préserver les règles, de rendre fluide une relation. On se serre de ce type de relation au quotidien pour des choses communes, mais c’est plus problématique si il y a un enjeu dans le dialogue. L’enjeu peut ne pas ressortir soit parce qu’il y a une autorité trop forte en face de soi, soi parce qu’il y a des peurs et des attentes qui nous bloquent. Il est alors possible de revenir en soi et d’exprimer le différent à partir de la pleine conscience. C’est la phase suivante.

Si ce premier contact est conduit avec méthode, il donne à la seconde étape des informations sur les manières de percevoir de chacun. Les différences apparaissent et sont exprimés. L’état émotionnel n’est plus un frein, il est associé au chemin de la pleine conscience interrelationnel. 

La pleine conscience nous aide à avoir plus de stabilité, à percevoir nos émotions à la fois avec plus de clarté et moins d’identification. On peut être sensible et moins fragile. Exprimer ses sensibilités, identifier son état émotionnel sera d’autant plus important dans les situations complexes, ou les conflits sont latents. Plus les situations sont complexes, plus l’impression de devoir mettre ses émotions de côté génère des biais et oblitère notre créativité. En même temps, parler de ses émotions signifie pour beaucoup pouvoir ouvrir une digue et libérer le trop plein, au risque de perdre de l’information et des éléments essentiels aux autres pour se faire comprendre. 

A ce stade du dialogue, le silence et l’écoute offerte sont aussi importants que les méthodes pour formuler sa perception et son ressenti de la perception. Différencier les deux génèrent déjà une écoute de qualité.

Ce dialogue à partir des émotions, à partir de ce qui sépare les personnes donne de l’empathie. Cette empathie dans le dialogue génère parfois une forme « d’organe sensoriel » supplémentaire. Certains thérapeutes trouvent les mots qu’ils n’utilisent pas d’habitude, des groupes de pratiques professionnels se sentent évoluer tout autant que la personne qu’ils accompagnent, des couples rentrent dans une écoute profonde qui leur permet de se percevoir au-delà de leurs difficultés et de se transformer. L’issue n’est pas toujours heureuse comme on l’entend, mais elle donne une méthode propice pour s’enrichir en termes de sagesse.

La sagesse, ici c’est la perception profonde du lien qui unit le vivant. Tout comme certains magnétiseurs ont une sensibilité quand il s’agit de réparer les organes ou les os blessés, l’attention consciente se développe au sein d’un système de relations et peut réparer, créer de nouvelles possibilités. On appelle cette créativité l’amour et elle croit quand les peurs et les croyances se pacifient.

Cycle sur le dialogue en conscience

Stéphane Faure propose un cycle en trois sessions sur le dialogue en conscience. Retrouvez ici toutes les infos de ce cycle : Dialoguer en conscience – Discerner son écoute et être agile dans le dialogue – ou cliquez sur la photo.

Stéphane Faure animera ce stage avec Laurent Wajs.

  1. Bonjour
    Quel est le rapport ( s’il y en a ) avec le «  dialogue conscient «  de G Krammer?
    Cordialement

    • Stéphane FAURE13 mars 2022

      Bonjour, il n’y a pas de lien explicite, ce ne sont pas les même méthodes ni les même base. G Krammer s’est appuyé sur son expérience vipassana pour créer une méthode d’étude et d’assimilation du bouddhisme. Ici, il s’agit plus d’observation basée sur l’expérience du Dialog,https://www.krishnamurti-france.org/le-dialogue-selon-david-bohm
      et de Shomsky sur le language.

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