Vous souhaitez faire un programme de réduction du stress par la pleine conscience (MBSR) parce que vous avez entendu du bien de ce programme et que les médias nous répètent que « la méditation c’est bon pour la santé » ? Si cependant, comme moi, vous n’êtes pas un expert scientifique de la théorie du stress et de ses effets sur la santé, et de la façon dont la pleine conscience pourrait modifier la situation, je vous invite à lire l’article suivant, que j’ai écrit comme aide-mémoire pour la séance 4 des programmes MBSR que j’anime.

Dans le programme MBSR, les trois premières semaines visent à faire connaissance et à expérimenter la pleine conscience, c’est à dire la capacité de placer l’attention sur le moment présent, délibérément, et sans porter de jugement. C’est la partie « par la pleine conscience » du programme. A la séance 4 vient la partie « stress », qui est complétée à partir de la séance 5 de la « réduction », pour que l’on arrive à la fin du programme à de la « réduction du stress par la pleine conscience ».

Le stress, donc, pour omniprésent qu’il est dans nos sociétés, n’a en fait été théorisé qu’au début du XXe siècle par Hans Selye (1807-1982). Endocrinologue tchèque, Selye a le premier distingué les déclencheurs de stress (aussi appelés stresseurs) des réactions au stress (c’est à dire de tous les effets physiques et psychologiques déclenchés par ces stresseurs). Pour lui, ces réactions au stress sont des réponses non-spécifiques du corps à toute demande (à toute pression exercée par un stresseur, celui-ci pouvant être externe ou interne). Techniquement, il s’agit de l’activation du système nerveux autonome sympathique (adréanaline, suradrénaline, cortisol) qui déclenchent toutes sortes de réactions physiologiques (cœur qui bat, transpiration, etc.) et trois types de réactions comportementales automatiques : le combat, la fuite ou l’hébètement.

Cette réaction de stress est une réaction automatique de notre « cerveau primitif », qui nous permet, comme un zèbre menacé par un lion dans la savane, de nous mettre en sécurité, et donc de survivre. Après cette activation du système dit « sympathique » (mais qui l’est moins quand on l’éprouve!), le zèbre se détend et se remet à brouter. C’est le système d’apaisement lié au système nerveux autonome parasympathique qui se met en place (et cela fonctionne avec une autre hormone, l’acetylcholine).

Un autre scientifique, Richard Lazarus (1922-2002), a proposé une autre avancée dans la théorie du stress, à savoir la « théorie transactionnelle du stress ». Ainsi, il a montré qu’un même stresseur ne déclenche pas toujours la même réaction au stress, chez la même personne à différents moments ou entre deux personnes différentes, parce que la « transaction » de chacun entre stresseur et réaction au stress dépend d’un grand nombre de facteurs physiques et psychologiques qui varient selon la perception que l’on a du stresseur, de notre état de fatigue, de la récurrence du stresseur, etc.

Dans le cas où le fonctionnement « normal » est actif, on revient au calme après la phase d’alarme grâce au système nerveux parasympathique. Il a été prouvé que ce système d’apaisement peut être activé (s’il ne l’est pas naturellement) grâce par exemple à la méditation, au yoga, à la respiration, etc. Mais de cela, on en reparle davantage lors de la semaine 5 du programme.

Si par contre l’apaisement ne revient pas, le cocktail hormonal d’alarme, et notamment le cortisol, reste haut. Il y a suractivation du système, et possiblement découplage entre la réaction et la situation réelle. On dit que l’adaptation (la réaction au stress) devient défaillante. Si la situation se prolonge, le stress devient chronique, ce qui entraîne une dérégulation physiologique pouvant engendrer des troubles de santé physique et mentale (problèmes respiratoires, digestifs, immunitaires, alimentaires, maux de tête, raidissement et douleurs musculaires, troubles du sommeil et de la concentration, irritabilité, anxiété, dépression, etc.). Bref, ça devient compliqué et désagréable, surtout que l’on peut souvent entrer dans des gestions dysfonctionnelles du problème, avec des pensées ou comportements auto-destructeurs, de l’hyperactivité ou au contraire de la léthargie, et l’utilisation plus ou moins régulière de substances, allant du chocolat à l’alcool en passant par les cacahuètes et les médicaments (toutes ces substances n’étant pas aussi nocives!). Tous ces effets de la réaction au stress dysfonctionnelle deviennent à leur tour des stresseurs, et potentiellement on se trouve dans un cercle vicieux pouvant mener à l’effondrement.

En général, à ce point de la présentation lors de la semaine 4 du programme, l’un des participants s’écrit : « ha, mais tu ne vas pas nous laisser comme ça ! ». Certes non. Rappelez-vous, c’est la semaine 4. Nous avons encore 4 semaines, et la journée de pratique ! Mais ce que je propose à mes participants à ce moment-là, c’est tout d’abord quelques minutes de méditation, pour sentir en soi comment le système d’alarme a peut-être été déclenché et éventuellement permettre au système d’apaisement de se remettre en place.

Passé ce moment d’expérimentation de la pause en conscience, je n’ajoute pas grand-chose : nous parlons de la réponse en conscience la semaine suivante. Par contre, je propose (enfin, c’est ce que Jon Kabat-Zinn et ses collègues ont indiqué de proposer en développant le programme) d’observer nos propres réactions au stress lors de la semaine suivante, de rester avec l’observation des stresseurs et de notre mode de transaction, sans essayer de le modifier. Rester avec la difficulté plutôt que d’y réagir immédiatement, ou même d’y répondre. Je crois que si, une semaine dans notre vie, on peut s’observer dans le mode être en sortant du mode faire, sachant que d’autres participants le font avec nous, dans le cadre de cette aventure commune que constitue le programme, de grandes choses peuvent se produire.

Comme le dit Jon Kabat-Zinn dans Au cœur de la tourmente, la pleine conscience :

« Par définition, les réactions de stress se produisent de façon automatique et inconsciente. Dès que vous dirigez la conscience vers ce qui est en train de se passer dans une situation stressante, vous avez déjà changé fortement ladite situation, rien qu’en cessant d’être inconscient. »

Contrairement à l’inquiétude que l’on pourrait avoir, le mode être est une réponse au stresseur, une réponse qui n’est pas une solution (solutionner des problèmes étant l’un de nos pilotes automatiques préférés). A travers cette non-réponse, que l’on pourrait comparer à une ouverture dans le mur de nos réactions automatiques au stress, peut briller la lumière de la pleine conscience, à travers des qualités comme la confiance, la patience et l’acceptation. Tout un chemin en fait, qui ne se fera pas en une semaine, mais que l’on se propose de découvrir au cœur du programme MBSR.

Cécile Faure Ducher

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