(Extrait retravaillé et complété de l’article de C.André : Cerveau&Psycho – n° 41 septembre – octobre 2012)

Auteur: François Granger enseignant MBSR, enseignant de méditation, intervenant dans les retraites Euthymia.

François s’est positionné à plusieurs reprise pour clarifier la notion de méditation, comme dans cet article.

On pense souvent que la méditation est une réflexion approfondie et intelligente sur un sujet, éventuellement métaphysique, comme la vie, la mort ou le cosmos. Ou sur tout autre sujet de préoccupation auquel on doit trouver une solution. En ce sens, méditer revient à « réfléchir sur… », le mental intervient dans un esprit de recherche, d’analyse orientée vers un résultat. On fait quelque chose, même si cela ne se passe qu’entre nos neurones.

En réalité, dans la méditation de pleine conscience, l’attention n’est pas portée sur la réflexion intellectuelle ou l’élaboration conceptuelle, mais sur le ressenti non verbal, corporel et sensoriel. Ici l’orientation est contemplative et l’action mentale est réduite à la simple observation de ce qui est, dans l’instant, avec acuité, sans jugement ni recherche de faire quoi que ce soit avec ce qui s’élève. On ne fait qu’être un témoin neutre de ce qui est perçu, on lâche d’instant en instant en essayant de ne pas se faire prendre par le contenu des pensées, sans les rejeter ni les cultiver.

On pense souvent que la méditation consiste à faire le vide dans sa tête.

En réalité, dans la méditation de pleine conscience, les instants où le mental ne produit aucune pensée sont assez rares. L’essentiel du travail consiste non pas à faire taire le bavardage de l’esprit, ce qui est impossible par la volonté, mais à ne pas se laisser entraîner par lui, à ne pas s’y identifier. L’objectif est de ne pas s’engager dans une activité mentale volontaire, mais de tenter de rester en position d’observateur. Ce n’est donc pas une absence de pensées, mais une absence d’engagement dans les pensées.

Du fait de l’alternance naturelle de pensées et de moments où il n’y en a pas, le méditant s’entraine à se détendre dans ce mouvement erratique.

On pense souvent que la méditation est une démarche religieuse ou spirituelle.

En réalité, dans la méditation de pleine conscience, on cherche avant tout à développer au quotidien un outil de régulation émotionnelle et de l’attention, au-delà de toutes formes de croyances. C’est une pratique universelle, neutre en ce sens qu’elle n’appartient à aucune tradition, aucun courant, si ancien soit-il.

Ce que nous faisons ensuite de la clarté d’esprit qui se développe au fil des sessions, de cette capacité d’attention et de lâcher-prise, dépend de l’activité que nous souhaitons entreprendre. Ces capacités peuvent être utilisées pour une activité professionnelle, sportive ou simplement de loisir. Mais on peut aussi les mettre à profit lors d’une démarche psychologique, celles-ci renforçant alors notre capacité d’introspection et de dénouement aux différentes étapes de la thérapie. Enfin, ces qualités peuvent être effectivement mises au service d’un chemin spirituel qui nécessite au préalable d’avoir un esprit suffisamment souple et posé pour s’engager dans des pratiques demandant une concentration détendue mais aiguisée, stable, comme lors de visualisations, par exemple.

On pense souvent que la méditation est un peu comme la relaxation ou la sophrologie.

En réalité, dans la méditation de pleine conscience, on ne cherche pas à atteindre un état de détente ou de calme particulier, même si cela peut se produire du fait de l’entrainement à cette qualité d’attention et de lâcher-prise. Certaines séances peuvent au contraire être difficiles du fait que l’on ne cherche pas à modifier volontairement l’état présent (qui n’est pas forcément heureux), mais que l’on accompagne avec la même ouverture et acceptation tout ce qui s’élève dans l’instant. On cherche juste à intensifier sa conscience et son recul vis-à-vis de ses expériences intimes.

Par exemple, plutôt que de chercher à ne pas être en colère ou triste, on observe la nature de ces émotions, leur impact sur le corps, les comportements qu’elles déclenchent. On ne fait que prendre note sans se battre avec ni tenter de les dominer, de les rejeter ou de discuter mentalement avec. Donner ainsi un « espace mental » à ses émotions perturbantes permet d’en reprendre le contrôle, en leur permettant d’exister et de s’exprimer sans les amplifier, les réprimer (ne pas les autoriser) ou fusionner avec (ne pas s’en distancier).

Et la surprise vient du fait que grâce à cette simple, mais entière prise de conscience qui ne saisit rien, un apaisement prend progressivement place en nous. Comme si nous n’étions plus touchés ou concernés par toutes ces « secrétions mentales », comme les nomme si justement Jon Kabat Zinn.

On pense souvent que la méditation demande de trouver des conditions spéciales pour être pratiquée.

En réalité, la méditation de pleine conscience doit pouvoir être pratiquée dans n’importe quel contexte, seul ou en groupe, que l’on soit heureux ou non, agité ou calme, que le lieu nous plaise ou non, qu’il soit favorable ou non à l’introspection, quel que soit notre état intérieur ou de santé…

Puisqu’il s’agit justement de devenir « pleinement conscient », peu importe le cadre, au contraire. Plus ils sont variés, plus cette diversité nous révèle par effet miroir ce que nous sommes déjà. Si l’on peut rester centré dans une grande variété de situations, cela montre les progrès accomplis et notre sérénité intérieure, notre capacité à ne pas être emporté par les éventuelles perturbations rencontrées.

Ce point semble difficile à appréhender et pourrait décourager les débutants pour lesquels on présente trop souvent la méditation à l’aide de photos de pratiquants posés sereinement en pleine nature. C’est sûrement très agréable, mais le propos de la pleine conscience n’est pas de rechercher l’harmonie uniquement à l’extérieur pour la trouver à l’intérieur (nos quotidiens souvent éloignés de tels contextes bucoliques ne nous le permettant que rarement), mais bien d’apprendre à faire avec ce que nous avons déjà en nous, où que nous soyons.

Il est cependant vrai que lorsque l’on débute, il est préférable de mettre tous les atouts de son côté et de choisir un lieu dans lequel on se sent protégé pour commencer à regarder et lâcher ce qui s’élève en nous. Et puis progressivement, on peut s’ouvrir et réintégrer le reste des expériences quotidiennes dans notre pratique.

On pense souvent que la méditation est un hobby facultatif, comme se promener ou lire…

En réalité, la méditation de pleine conscience devrait plutôt être perçue comme une activité essentielle aussi indispensable que celles de se nourrir ou de se laver en ce qui concerne le corps. On pourrait la voir comme une part intégrante de l’hygiène de notre esprit que l’on pourrait nous enseigner dès notre plus jeune âge ! Elle est ce qui permet à cette tour de contrôle qu’est notre mental de se désencombrer, de rester fluide, paisible, spacieuse et claire, de prendre des décisions fondées sur un discernement non troublé par des émotions et des perturbations de toutes sortes.

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