Au départ, nous avions choisi de ne vous présenter l’ouvrage Compassionomics que dans la section livre de la newsletter, mais sa disponibilité seulement en anglais et désormais uniquement en format numérique nous a incité à le décrire plus longuement.

Dans ce livre dont le titre joue entre compassion et économie, les deux médecins chercheurs Stephen Trzeciak et Anthony Mazzarelli présentent le fruit d’une collecte et analyse détaillée de nombreuses études (>200) sur la bienveillance et sur la compassion dans le domaine de la santé. Un travail minutieux de 2 années qui leur a demandé de rassembler des études nombreuses mais éparses. Le résultat est surprenant ou évident selon les points de vue : la compassion dans le domaine médical, ça compte, et autant comptablement que qualitativement (satisfaction et guérison des patients).

Compassionomics : sommaire

Les 326 pages de ce livre sont divisées en 3 parties : la première aborde ce qu’est la compassion et la « crise de la compassion » que connaissent les établissements de soin depuis plusieurs années. La deuxième présente les effets de cette compassion sur le patient, tant sur les pathologies que sur son expérience subjective quand il évalue la qualité de soins. Enfin la troisième traite la compassion dans les autres aspects : est-ce « rentable »? Peut-on l’apprendre? Quels autres effets a-t-elle?

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

Les auteurs abordent différents problèmes de santé, et rapportent un bénéfice systématique d’une approche compatissante du personnel médical envers le patient : que ce soit pour la réponse physiologique au stress, la pression sanguine, la perception de la douleur, la guérison des plaies, les fonctions endocrines, les symptômes dépressifs, l’anxiété ou même un simple rhume. Le pronostic des patients est meilleur, la durée de leurs soins est plus courte, et l’errance médicale est moindre, car les patients font davantage confiance à leur médecin. Ces aspects sont importants pour la qualité de soin comme pour les finances de notre système de santé.

On pourrait se dire : il doit bien y avoir une raison de ne pas aller dans ce sens, ça doit prendre du temps d’être compatissant ? Verdict des études : 40 secondes. C’est tellement peu au regard des bénéfices globaux, que l’on peut croiser avec les bienfaits des pratiques de pleine conscience et de compassion pour la prévention du burnout et de l’épuisement empathique. Promouvoir ces pratiques au sein des établissements hospitaliers à travers des programmes comme le MBSR ou le MBCL paraît une évidence. D’ailleurs, les auteurs osent cette prescription: face au burn-out des soignants, il est nécessaire de réintroduire la compassion envers le patient. Pourquoi ? Parce que les recherches montrent une relation inverse entre les deux : un haut degré de compassion est associé à un faible niveau de burnout, et un faible niveau de compassion est associé à un haut niveau de burnout.

Que fait de particulier un soignant compatissant ?

Ce sont les détails, plus que le temps donc, qui font la différence. Il y a la posture physique, le toucher, le regard qui se pose, et les mots. Des mots qui incluent le patient au lieu de le laisser seul avec son diagnostic et ses inquiétudes.

Imaginez. Après consultation de votre médecin traitant, vous vous rendez à l’hôpital pour des douleurs abdominales soudaines avec constipation et fièvre présentes depuis trois jours. Vous enchaînez analyse de sang, d’urines, échographie, scanner. Le médecin arrive et vous dit : « Nous pensons à une adénolymphite mésentérique. Vous resterez 48h à l’hôpital pour observation. Si les symptômes ne s’améliorent pas nous ferons des examens complémentaires. » Deux jours après, pas d’amélioration. Des examens complémentaires ont lieu et on vous annonce sobrement « Vous avez un cancer de l’intestin grêle » en vous indiquant comment va se dérouler votre traitement. A la fin de son passage, le médecin vous dit simplement au revoir. Comment vous sentez-vous ?

Reprenons la même situation, et cette fois-ci le médecin ajoute à l’annonce du cancer : « Je sais que c’est une expérience difficile à traverser et je veux que vous sachiez que nous sommes là pour vous accompagner. Je vais vous parler de votre traitement, il y aura surement des choses difficiles à comprendre donc sentez vous à l’aise pour m’interrompre quand ça vous paraitra confus ou incompréhensible ». Le médecin vous explique ensuite le traitement, et au moment de partir vous dit cette fois « Cette période va être difficile à vivre, je tiens à appuyer encore sur le fait qu’avec les équipes de l’hôpital nous serons là avec vous, tout du long de votre traitement. » Comment vous sentez-vous ?

En quoi la pleine conscience peut aider ici ? Les deux chercheurs rapportent une étude de l’Université de Pennsylvanie sur la perception du temps disponible. De façon contre-intuitive, quand nous offrons notre temps aux autres, nous avons l’impression d’en avoir davantage. En devenant conscient de notre état de stress, des pensées automatiques qui nous disent « je n’ai pas le temps », la pleine conscience peut aider le soignant à choisir consciemment de donner son temps, à modifier ainsi sa perception du temps et à renouer avec le sens.

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