Préambule

Sophie pratique la pleine conscience depuis une dizaine d’année et durant l’été 2021 elle a choisi de suivre une retraite silencieuse dont le thème était « la globalité dans la méditation ». Le silence lui est d’abord apparu très contraignant. Au fur et à mesure de la retraite, elle a trouvé dans le silence une expérience profonde. Voici son expérience que je lui ai demandé de mettre par écrit. Merci à elle d’avoir accepté.

Stéphane Faure

Le silence au cœur de la retraite silencieuse

Il se présente comme le fil rouge de la retraite de pleine conscience. Il nous a accompagné comme un guide, tantôt apaisant, ressourçant, tantôt frustrant, voire oppressant, tissant finalement comme une trame contenante de toutes les expériences éprouvées. Cette immersion de 5 jours dans le silence m’est apparue comme l’un des piliers de la pratique de la méditation de pleine conscience.

En nous privant de notre usage habituel de la parole, le silence nous dépouille de notre moi, et nous reconnecte aux fondements de notre être, à notre globalité somatopsychique, venant faire émerger des parties habituellement reléguées au second plan, « recouvertes », plus ou moins ensevelies. Sans communication verbale, on doit se contenter d’être, sans chercher à se faire valoir par des mots choisis, souvent réducteurs, ou travestissant notre être pour une certaine représentation de nous même. (« Dans le langage, on n’y est pas, on y est que représenté » dit Lacan!)

Le silence comme espace d’accueil

En se retirant de la vie de relation, la parole libère un espace d’accueil, d’écoute élargie, « résonateur » de la vie interne. Nos bruits intérieurs se déploient alors dans cet espace créé, en s’élevant de façon calme, bruyante ou sourde. Émotions, sensations, affects, pensées, sont autant de mouvements internes pouvant susciter stabilité ou agitation, douleur, apaisement, inconfort, plénitude, bousculant l’équilibre habituel du moi. Ceux-ci peuvent aussi disparaître, laissant l’aspect d’un vide apparent. Le silence n’est pas forcément le vide qu’il peut laisser supposer. Il n’est pas la mort, telle que l’exprime l’expression consacrée.

Le silence offre un espace d’attention

Le silence offre un espace d’attention, qui soutient la qualité de présence au corps, au souffle, à soi, aux autres, au monde. Grâce à l’accueil de ce qui est, sans jugement, s’impose progressivement une bienveillance inconditionnelle, réceptacle de ces manifestations, qui sans saisie, finissent par se déposer et trouver leur place. Guidée par l’acuité de l’écoute, et l’omniprésence du silence, qui lie moment après moment les temps de méditation formelle et informelle, une ouverture peut advenir, qui décante, modifie l’expérience, la neutralise. C’est dans cet état de détente et de conscience élargie, de réceptivité à tout ce qui s’élève que les différentes manifestations vont pouvoir se dissoudre simplement sans effort.

Tout comme l’ancrage dans l’immobilité donne de la vie aux manifestations subtiles du corps, le silence de la pleine conscience m’a paru fluidifier et clarifier les mouvements de l’esprit.

C’est sous la forme d’un bruissement intérieur, teinté d’une vitalité profonde et discrète, que tout peut alors y circuler librement. Certaines limites s’effacent, dans la sensation que le corps entier respire et non plus seulement un organe, estompant les frontières, le silence du dehors répondant à celui du dedans, et vice versa, créant un sentiment de totalité, d’unité entre intérieur et extérieur.

Le silence et le groupe

L’engagement personnel pour le silence n’est pas un acte anodin. L’entrée dans le silence opère comme un catalyseur d’émotions parfois dérangeantes comme les peurs, la colère, les frustrations. Face à celles-ci, la présence du collectif, pris dans le même engagement acté par les différents sceaux établis au préalable, représente un soutien manifeste, un miroir facilitant l’acceptation et l’appropriation de l’expérience.

Car si l’évidence du silence s’impose lors des séances formelles, son intégration sur les temps libres en présence des autres se heurte parfois au désir de parler. Juste un « comment ça va? » qui au départ démange… La conscience de partager le même engagement déterminé, dans un souci de l’autre qui s’exerce différemment, permet de limiter certaines questions concernant notamment les attentes, et de soutenir la frustration de l’absence d’interactions.

Il en ressort un profond sentiment de gratitude face à une dynamique de groupe où la qualité de l’attention bienveillante vient prendre la place des mots. J’ai mesuré comment, lors d’une méditation formelle, dans ce silence qui apparemment nous séparait, s’était tissée entre tous une enveloppe suffisamment solide pour contenir les émois les plus douloureux.

Dans les temps libres, des modes de communication plus intuitifs ont pris le relai en créant des mouvements d’ensemble de solidarité à des moments difficiles, par exemple le ralentissement de l’activité, le souci de ne pas déranger l’autre par le bruit de nos activités. Sans exclure les phases de décalages, les modifications de rythme. Les quelques échanges non verbaux, se sont chargés en intensité, dans une présence directe à l’autre, à son être.

En touchant les parties sensibles, plus « archaïques » de notre être, le silence nous révèle en nous connectant ou reconnectant avec des terres inconnues de nous-même. Pouvoir les approcher grâce à cette expérience intensive et à l’espace sécurisant créé par la pleine conscience représente un enrichissement profond pour soi-même et dans notre rapport aux autres.

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