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Nous avons souvent tendance à percevoir la méditation comme quelque chose de centré sur soi. Les quelques passages à ce sujet dans Yoga d’Emmanuel Carrère sont d’ailleurs à la fois hilarants et relativement réalistes. Et en effet, pour beaucoup, la méditation est un moyen de retrouver un refuge apaisant, et c’est souvent une étape indispensable. Une fois qu’elle a rempli ce rôle, on peut cependant aller plus loin. La pleine conscience devient alors un moyen de trouver une forme de stabilité intérieure.

Pour d’autres encore, cela ne suffit pas. La pleine conscience devient un moyen de se reconnecter à notre nature d’être vivant. Retrouver un sens à sa vie passe par la connexion à la fois avec soi-même et avec les autres. Nous explorons dans un autre contexte les pratiques de pleine conscience interpersonnelle.

Dans ce cadre, il s’agit davantage de l’expérience personnelle de se connecter à quelque chose de plus vaste. La nature en est un excellent exemple. Pour beaucoup, les pratiques sensorielles sont un moyen de se relier aux autres de manière plus large, plus vaste, et c’est ainsi que cette sensibilité à la vie se porte sur son jardin, les arbres qui poussent, les êtres vivants que l’on ne voyait pas auparavant.

Au moment où j’écris ceci, la guerre au Proche-Orient a de nouveau éclaté en octobre 2023. Tout cela peut sembler hors sujet et incohérent. Cependant, réfléchissons attentivement à l’impact de la pleine conscience sur nos sens. L’expérience que chacun de nous vit dépend de notre environnement et de nos interactions avec d’autres personnes, ce qui est à la fois fondamental et perturbateur.

Nous vivons dans un monde qui encourage l’individualité, mais accéder à un silence profond qui nous rappelle sans cesse que nous interagissons en permanence les uns avec les autres peut parfois aller à l’encontre de ce que nous étions venus chercher initialement dans la pleine conscience : un moyen de se sentir bien et de ne pas être dérangé.

Cette expérience de connexion est une subtile combinaison de compassion et d’éveil des sens. Elle échappe à toute idéologie et même à notre choix. Elle se révèle lorsque le moi se calme peu à peu. C’est alors une expérience très rassurante, car jusqu’à présent, nous construisions plus ou moins consciemment notre méditation comme une bulle, et donc comme un mur.

Cette ouverture permet à un certain nombre de peurs et d’attentes de tomber progressivement. Dans nos accompagnements individuels ou en groupe, nous observons, en tant qu’enseignants de méditation, que nous n’avons pas réellement de prise sur cela. C’est une expérience individuelle qui permet à chacun d’orienter la pleine conscience vers le champ des relations avec les autres et avec la nature.

Je ne suis moi-même et je ne suis libre

qu’en agissant, intérieurement ou extérieurement,

et je ne puis agir que dans le moment présent.

Seul le moment présent est mien.

Je ne vis que le présent.

Pierre Hadot, La citadelle intérieure.